Gérard Boinon

Biographie de Gérard Boinon — Semeur de conscience Je m’appelle Gérard Boinon, je suis né le 6 mars 1949 dans les monts du Lyonnais, au sein d’une famille de paysans depuis plusieurs générations. J’ai grandi dans la proximité de la terre, avec la conviction que le travail agricole était noble, indispensable, et porteur de sens. Après le certificat d’études, j’ai obtenu un brevet professionnel agricole, me préparant à reprendre l’exploitation familiale. J’ai d’abord cru au progrès technique à tout prix, à la promesse des rendements toujours plus hauts. Je faisais confiance aux engrais chimiques, aux pesticides, à la course aux performances. Comme tant d’autres, je croyais bien faire. Mais à 35 ans, un œdème de Quincke causé par un pesticide m’a brutalement stoppé. Mon corps s’est rebellé. Cette alerte ne fut que la première : les problèmes de santé se sont enchaînés — cancer, traitements lourds, infarctus — et les atteintes ne m’ont pas épargné, ni moi, ni mes proches. J’ai compris alors que ce modèle agricole me détruisait, autant qu’il épuisait la terre. J’ai changé de cap. J’ai abandonné la course au rendement. Je suis revenu à une agriculture paysanne, à une logique du vivant, de l’écoute et de l’équilibre. J’ai replanté des haies, réduit le labour, appris à collaborer avec les oiseaux, les insectes, le sol. Les mésanges bleues sont devenues mes alliées, plus efficaces que les pesticides, et sans dommages collatéraux. Ce cheminement, je l’ai raconté dans mon premier livre, Le berger des mésanges bleues. Il parle de cette désintoxication intérieure et extérieure. Il témoigne aussi de ce qu’on m’a dû désapprendre : l’agriculture productiviste qu’on m’avait inculquée. Engagé depuis longtemps dans les mouvements agricoles et ruraux, j’ai été militant du MRJC, puis responsable régional du CMR, secrétaire général de la Confédération paysanne Rhône-Alpes, et membre de son comité national. J’ai été élu deux fois conseiller municipal et deux fois à la Chambre d’agriculture de l’Ain. Mon engagement m’a aussi conduit à l’international, à Genève, où j’ai été consultant au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Là-bas, j’ai coécrit la Déclaration des droits des paysans, un texte fondateur et encore trop méconnu, mais qui marque une étape essentielle dans la reconnaissance de celles et ceux qui nourrissent le monde. Je suis aussi marcheur. J’ai parcouru à pied plus de 1800 kilomètres jusqu’à Compostelle, et bien d’autres chemins encore. Ces marches ne sont pas des fuites, mais des quêtes. Je marche pour la paix, pour les luttes paysannes, contre les gaz de schiste, pour la dignité. Et de cette expérience, est né mon second livre : Du chemin de Compostelle aux chemins de militance. J’y raconte comment la marche peut relier l’intime et le collectif, le spirituel et le politique. Le 11 mai dernier, dans une clairière de la forêt de Chailluz, j’ai partagé ce parcours avec un public venu écouter, non pas un conférencier, mais un homme. Une femme du public a écrit : « Ce n’était pas un discours, c’était une traversée. Une histoire humaine ancrée dans la terre, mais qui touche au cœur de l’essentiel. » Ces mots m’ont profondément touché. Car c’est cela que je veux transmettre : pas des leçons, mais une expérience, un souffle, une conscience. Aujourd’hui, à 76 ans, je suis retraité, mais je continue à parcourir la France pour donner des conférences, à projeter des films comme Semences du futur de Honorine Perino, et surtout, à semer des graines : d’idées, de doutes fertiles, d’engagement. Mon fils a repris la ferme familiale, en bio, dans la même démarche respectueuse du vivant. Moi, je poursuis ma route. Il reste tant à faire, tant à dire, tant à rêver ensemble.